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Le Blog de Pascal JACOB

Pascal Jacob

Immeubles de grande hauteur en bois : prenons garde de ne pas griller les étapes !


Paris, 15 mars 2018 - Une tour en bois de 350 mètres de haut à Tokyo. Une autre prévue à Londres de 80 étages culminant à 300 mètres. Tout semble s'accélérer à une vitesse vertigineuse pour le bois, profitant d'un indéniable emballement médiatique notamment en France … Cette course effrénée aux records de telles hauteurs pour des constructions en bois semble peu crédible et ne doit surtout pas masquer l'excellent travail de fond réalisé, en France, par la profession et l'association ADIVBOIS sur un marché très différent : celui des bâtiments de moyenne hauteur. Ce travail produit d'ailleurs les premiers résultats positifs sur ce marché des d'immeubles R+4 à R+15 (jusqu'à 50m), plus en phase avec la demande du marché et les capacités connues du matériau. Promoteurs et majors de la construction s'accordent à reconnaître que, sur ce segment, le bois dispose d'avantages indéniables.

Image pointant vers  Youtube United News International Japanese Company to Build Tallest Wooden Skyscraper

Pour autant, va t-on vers une généralisation de ces constructions avec le matériau bois seul ? Les freins réglementaires, techniques, technologiques, économiques et psychologiques sont-ils tous levés même pour atteindre des hauteurs bien plus modestes que celles annoncées au Japon et au Royaume-Uni ? In fine, le bois pourra t-il remplacer le béton et l'acier au seul motif de l'avènement des constructions décarbonées ?

Des immeubles en bois de plus de 100m est-ce bien raisonnable ?

Une compagnie japonaise a donc affiché récemment son ambition de construire une tour en bois de 350 mètres de haut d'ici une vingtaine d'années à Tokyo (Le Moniteur, 04/03/2018). Une construction de 70 étages, constituée à 90% de bois et à 10% de métal pour un cadre permettant d'absorber au mieux les vibrations, dans un pays très exposé au risque de tremblement de terre. Plus près de nous, le maire de Londres, Boris Johnson, vient de se voir présenter le plan conceptuel d'une tour en bois de 80 étages et 300 mètres de haut (Batirama, 01/02/2018) pouvant accueillir plus de 1000 unités résidentielles dans le quartier de Barbican …

Pour autant, ces ouvrages gigantesques en bois, appelés, en France, ITGH (Immeuble de Très Grande Hauteur) restent au stade de projets embryonnaires sans reposer explicitement sur des études techniques poussées. Cette course à la construction de bâtiment en bois de très grande hauteur ainsi que des effets d'annonces non-contrôlés et largement relayés par la presse et les réseaux sociaux notamment en France, est, pour ces raisons, contre-productive face au développement de bâtiments de moyenne et grande hauteur en bois (IGH) dont une vraie dynamique s'est amorcée dans plusieurs pays dont la France …

Dubaï (AEU) : le pays où l'acier est roi, les IGH et ITGH qui ne laissent aucune place au matériau bois

© Photo Pascal Jacob - 01/02/2018 - Burj Khalifa Dubaï - 848m

Dubaï, le pays des gratte-ciels les plus audacieux, regorge d'ouvrages hors normes en termes physiques, mécaniques, architecturaux, dimensionnels et de mixité des matériaux (acier, verre et béton). Au regard des projets en prévision de la société émiratie EMAAR qui reste la référence mondiale et absolue en termes de construction et d'exploitation d'ITGH (telles que la Burj Khalifa, 828m à Dubaï (photo ci-contre), la Jeddah Tower, 1001m en Arabie Saoudite et surtout la future Dubaï Tower à Dubai Creek Harbour de +/-1200 m) : Il n'existe, à ce jour aucun ouvrage prévu en bois même de taille modeste ni d'ailleurs dans la capitale voisine des Émirats, Abu Dhabi. Certes, cela tient probablement au fait que ce matériau de construction n'est pas (encore) ancré dans la culture émiratie, et aussi, par voie de conséquence, de l'absence d'acteurs maitrisant, sur place, la construction de ce type d'ouvrages (architectes, bureaux d'études et entreprises).

Aux Emirats Arabes Unis comme ailleurs dans le monde, on relève également que les concepteurs d'immeubles (architectes et ingénieurs) ont une approche assez exclusive quant au choix des matériaux de structure en se limitant à leurs performances mécaniques stricto sensu. Et, en effet, une simple lecture du tableau comparatif des caractéristiques admissibles (états limites) des matériaux démontre que nous sommes dans un rapport de 1 à 20 entre l'acier et le bois pour les propriétés de résistance (ex.: en flexion : 270 MégaPascal pour l'acier et 12,6 MPa pour le bois lamellé-collé) et de 1 à 15 pour les propriétés de rigidités.

Comparer les propriétés mécaniques du bois avec celles des autres matériaux de construction sur la base simpliste du module d’élasticité ou de la contrainte de rupture par exemple, aboutit inéluctablement à des conclusions sans appel mais dénuées de sens. Comme l'expliquait déjà le Professeur Pascal Triboulot il y a une vingtaine d'années ("Le bois dans le contexte des matériaux de construction") sur ces critères classiques et en dehors de tout contexte, le bois présente des niveaux de performances nettement inférieurs notamment par rapport à l'acier. Mais un acier de construction à 210 000 MPa de module d’élasticité, et un résineux à moins de 10 000 MPa sont-ils raisonnablement comparables ? Cette comparaison est seulement réaliste à partir du contexte d’utilisation et par rapport aux caractéristiques spécifiques (module et contrainte ramenés à la densité), à l’usage ou à la fonction, au meilleur compromis "performances mécaniques/coûts" et enfin, et cela est de plus en plus vrai, au bilan énergétique (et écologique).

Le chemin sera sans doute encore très long pour modifier les comportements des concepteurs et qui devrait permettre au bois de s'affirmer comme le matériau d’excellence, fait pour construire, et ce, en prenant en compte mieux que d’autres l’intégralité des problèmes en termes de qualité de vie dans l’habitat et surtout en termes de respect de l’environnement.

ITGH en bois peu ou pas de références dans le monde

La seule véritable référence en termes d'étude sérieuse (et non de construction) d'un ouvrage en bois de très grande hauteur (> à 100m) est à mettre eu crédit de l'équipe française qui a conçu " La Tour de la Terre " avec l'Architecte Nicolas Normier en 1999 : 200m de hauteur.

Photo pointant vers la page facebook L'arbre de la Terre - Nicolas Normier -  (www.facebook.com/larbre.delaterre)

Pour avoir été l'un des instigateurs de cet ouvrage dans sa version nivernaise "L'Arbre de la Terre" à La Charité Sur Loire, versus 2009) inspirée de la " Tour de la Terre ", je me souviens très bien des points extrêmement compliqués pour ne pas dire critiques relatifs aux efforts exceptionnels notamment de traction à compenser. C'est grâce, en autre, à l'ingénieur français Dominique CALVI que des solutions techniques ont pu rendre plausible l'approche théorique de cet ouvrage.

Rappelons que l'Arbre de la Terre n'avait strictement rien à voir avec un immeuble ni dans sa forme ni dans ses usages puisque il s'agissait d'ériger un monument symbolique où les charges de services étaient extrêmement limitées et le schéma mécanique relativement simple (sa conception reposait sur une structure en bois lamellé-collé composée de 8 poteaux en BLC de 200m chacun et d'un diamètre de 1,60m complétés d'un noyau en acier. Dominique Calvi déclarait en 2010 à propos de l'Arbre de la Terre: "l'élancement exceptionnel de cet ouvrage conduit à des efforts de traction jamais approché pour des ouvrages en bois et pour ses assemblages jamais atteint même pour d'autres matériaux. Le même élancement conduit à des comportements dynamiques nécessitant des études de haut niveau tant au plan de ses modes propres en flexion et en torsion qu'à celui de la conception de leur système d'amortissement ". A l'issue de ces études, le projet fut finalement abandonné, compte tenu de ses dimensions trop ambitieuses et aussi de son coût …

Reste que de nombreuses réalisations d'immeubles de grandes hauteurs dans le monde (IGH de 50m à 80m) sont actuellement au stade de la conception et même de la réalisation : la résidence étudiante de Brock Commons à Vancouver qui culmine à 53 mètres est la tour en bois la plus haute du monde, à ce jour. Elle sera prochainement détrônée par la tour Mjosa : 80 m (18 étages de bureaux d'appartements et un hôtel), en cours de construction en Norvège, lorsqu'elle sera livrée courant 2019. D'autres projets sont en court d'étude en Autriche avec la tour HoHo à Vienne : 84m et en France avec deux projets de tours d'habitations: Les tours Hyperion (57 mètres) et Silva (50 mètres), qui seront construites à Bordeaux à proximité de la gare Saint-Jean.

Sécurité incendie, post-incendie : tout n'est pas (encore) réglé pour les Immeubles de Grande Hauteur en bois

La question portant sur la sécurité incendie reste aujourd'hui clairement posée au Japon comme dans le reste du monde pour les IGH Bois. En France, elle est d'actualité depuis 2004 avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation qui demande la prise en compte de scénarios réels. L'association Adivbois précisait récemment (Batiactu - Février 2017) : " Les outils sont suffisants et performants pour prendre en compte la contribution des éléments de structure (planchers, cloisons) et du mobilier d'un bâtiment, même si c'est plus compliqué à modéliser, puisque les phénomènes d'auto-extinction nécessiteraient des essais complémentaires " .

Les IGH bois ont des propriétés particulières et présentent des conditions non comprises dans le contexte normatif actuel. Comme le précisait José Torero (Batiactu - Février 2017), expert international en sécurité incendie, "les isolants thermiques classiques brûlent parfaitement, ce qui n'est pas sans poser de problèmes en particulier au Moyen-Orient (où les incendies de tours sont fréquents …). Or, le bois peut, lui aussi, entretenir la combustion ! La question est donc d'arriver à l'auto-extinction, c'est-à-dire que la structure de l'immeuble ne participe pas à l'alimentation de l'incendie . D'après cet expert, Il n'y a donc pas de réponse facile à cette problématique à ce jour, car il faut prendre en compte la géométrie, la ventilation, le mobilier qui est installé… il existe donc de nombreuses variables à coordonner. (Voir l'excellente thèse de Simon Roblin : " Étude numérique de l’auto-inflammation des solides par Simulation Numérique Directe Pdf 14 Mo")

Il faut également préciser que l'administration française a publié une note d'information concernant les Immeubles de Grande Hauteur en Bois émise par la sous-direction des services d'incendie auprès de la DGSC (Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises). Cette note précise les modalités d'instruction concernant les projets d'IGH bois en France et stipule un recours aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article R 122-11-1 du Code de la Construction et de l'Habitation : " En raison des caractéristiques particulières de certains immeubles, l'autorisation (de travaux) peut être assortie de prescriptions spéciales ou exceptionnelles qui renforcent ou atténuent ces dispositions… ". (Télécharger la note).

La situation post-sinistre est également un sujet à traiter. Lors d'un incendie, les services de prévention viennent humidifier la structure pendant un certain temps. Se pose alors la question de la durabilité de l'ouvrage sinistré, une fois la construction humidifiée mais aussi celle de la possibilité de réaliser la réparation. Le dégât des eaux est un sinistre très courant. Sur des constructions de moyenne et de grande hauteur, l'impact à l'ouvrage de ce type de sinistre pose question. Dans quelle mesure la solidité de l'ouvrage est-elle atteinte ? Comment déterminer le désordre et son étendue ? autant de sujets qui restent à traiter dans le cas d'IGH Bois …

IGH (et ITGH) bois : des freins psychologiques amplifiés par le matériau bois ?

© Photo Pascal Jacob - 01/02/2018 - Burj Khalifa Dubaï - Sommet de la tour 848m

Lors de ma visite en février 2018 dans les Émirats où j'ai eu le privilège de monter tout à fait au sommet de la Burj Khalifa (828m), les performances architecturale et technique de cet ouvrage exceptionnel prennent alors toutes leurs dimensions à une telle hauteur (où l'on ne trouve d'ailleurs aucun appartement …). L'effet est très déstabilisant et laisse une curieuse impression, même après une période d'acclimatation d'une heure : celle de vouloir le plus rapidement possible rejoindre le sol … ! J'évoque donc ici l'aspect comportemental et psychologique (sentiment d'insécurité) des individus résidents dans un tel ouvrage, pourtant constitué d'une structure primaire en acier et donc éprouvée … Quid de cet aspect dans un immeuble en bois d'une hauteur de 350m ou bien plus modeste … ? D'ailleurs, des études ont-elles été menées dans ce sens ?

Posons-nous cette question toute simple : serions-nous prêts à acheter un appartement au 70ème étage d'un bâtiment intégralement conçu en bois ? Des exemples récents démontrent qu'il apparaît plus difficile de convaincre une clientèle privée d'investir dans des immeubles de grande hauteur en bois par rapport à ceux conçus traditionnellement … D'où cette question légitime : les véritables freins au développement d'IGH bois ne seraient-ils pas finalement des difficultés d'ordre social et psychologique plutôt des problèmes d'ingénierie ou de contraintes réglementaires trop fortes ?

Mixité des matériaux : le choix crédible pour les IGH de moyenne hauteur

© Jean-Paul VIGUIER - Tour Hypérion Bordeaux

Qui mieux que Jean-Paul VIGUIER, éminent architecte concepteur de la tour Hypérion qui sera construite par Eiffage à Bordeaux (lauréat de l'appel à projets lancé par cette ville) , peut résumer le mieux le cadre idéal de l'emploi du matériau bois pour des IGH. Il a récemment déclaré en évoquant ce projet : " Ce sera un bâtiment exceptionnel car il mobilise plusieurs technologies. Et il a fallu se poser plusieurs questions : Quel bois utiliser ? Sous quelle forme ? Résultat : le squelette de la tour sera en CLT, des panneaux fabriqués sur mesure, composés de lames de bois massif croisées perpendiculairement. Sur les façades, nous utiliserons du bois d'ossature, notamment du pin, habillé d'un contreplaqué marine résistant aux intempéries. Mais le bois ne sera pas omniprésent. Je suis parti du principe que, lorsque le bois ne sait pas faire quelque chose, je ne l'utilise pas. Les fondations par exemple seront en béton, car elles se trouvent moitié dans l'eau et moitié dans l'air, et cela le bois n'apprécierait pas. Compte tenu des impératifs de résistance aux mouvements, le noyau de la tour, sur toute sa hauteur, sera également en béton. Sous une apparence d'unité, il y aura en réalité différentes matières et différentes technologies".

Autre exemple qui associe le bois et le béton : Avec ses 18 étages, la tour Mjøsa de Brumunddal devrait décrocher le titre du plus haut bâtiment en bois au monde. Pour cet ouvrage, béton sera utilisé entre les sept derniers étages de la tour. Ce recours au béton n'a rien à voir avec la capacité porteuse, mais plus simplement avec la stabilisation : plus l'on monte dans une tour, plus le balancement est prononcé - que le bâtiment soit en bois ou en béton. Le poids supplémentaire apporté par le béton entre les étages supérieurs permettra donc de ralentir ce balancement et de le rendre moins perceptible.

Modifier la sémantique : " IGH Bois & Béton " ou " IGH hybrides plutôt qu' IGH bois

Pour les IGH jusqu'à 30 étages (100m), la multiplicité des technologies et le choix de mode de construction " hybrides " est sans aucun doute une réponse aux freins réglementaires. De surcroit ils facilitent la conception notamment sur le plan du contreventement général de l'ouvrage réalisé avec, par exemple, un noyau central en béton comme évoqué ci-dessus par Jean-Paul VIGUIER. Dans l'intérêt purement commercial de ce nouveau mode de construction, mais aussi dans l'optique de gagner en crédibilité et d'atténuer à défaut de gommer les freins psychologiques, il conviendrait de procéder à des modifications d'ordre sémantique en termes de communication en évoquant des " IGH bois & béton " (ou " IGH hybrides " ou encore " immeubles à structure hybride ") et non des immeubles de grandes hauteurs en bois, expression, dans les faits, inappropriée.

En tout état de cause, la réalisation de telles opérations exigera un recul nécessaire et du temps ne serait-ce que pour adapter la réglementation qui reste l'une des problématiques pour le bois. En France particulièrement, celle-ci est conçue pour des réalisations en dur. Nous faisons notamment face à des problématiques d'autorisation (ATEX). Pour chaque construction bois, un ATEX doit être déposé et instruit pour avoir le droit de construire et surtout celui d'être couvert par les assureurs.

Dans ces conditions et au regard du chemin qu'il reste à parcourir pour maitriser ce type de constructions, évoquer aujourd'hui la réalisation de la structure porteuse d'immeubles en bois au-delà de 30 étages voire jusqu'à 350 m n'est pas crédible. Ces projets avant-gardistes revendiquant de telles hauteurs " stratosphériques " sont, à mon sens, irréalistes et pourraient même desservir les intérêts du bois et l'excellent travail fondamental réalisé actuellement par la profession pour le développement des ouvrages de moyenne hauteur.

Le marché des IGH Bois s'active en France, mais le tissu d'entreprises générales bois structurées est faible. Les majors du béton mutent progressivement vers le bois. Les entreprises de constructions bois doivent se regrouper si elles veulent exister sur ce segment …

Image pointant vers la vidéo Bergen Project - The Design and Construction of the World's First 14-Story Wood Building

Suite à l'Appel à Manifestation d'Intérêt (AMI), lancé en 2016 par le PUCA et ADIVbois pour identifier les territoires potentiels pour la construction d'un Immeuble à Vivre Bois, 24 sites répartis ont été retenus pour porter les premiers IGH bois démonstrateurs. Sur 24 sites, 13 sites ont poursuivi leurs projets dans le cadre de consultations organisées en partenariat avec ADIVBois : 7 sites dans le cadre de la consultation nationale pilotée par le PUCA et 6 sites dans une démarche de concours local. En réponse à cette demande qui émerge, plusieurs majors du bâtiment se structurent dans le bois, en créant pour certains, des entreprises générales dédiées à la construction et à la réhabilitation bois.

Le contexte de la construction change notamment au regard de la future réglementation thermique E+ C- qui évaluera l'empreinte carbone des constructions à compter de 2020. Autre paramètre contextuel qui n'échappe pas à ces grands groupes : la taxe carbone est un sujet qui monte et les investisseurs intègrent de façon croissante la dimension carbone dans le calcul de la valeur des actifs immobiliers. L'objectif est donc clair : Les majors veulent ainsi répondre " clés en mains " aux projets bois qui se multiplient notamment dans le neuf, et ce, sur tous les segments de marché, qu'il s'agisse de résidentiel, tertiaire ou équipements. Ces nouvelles structures s'appuient sur l'expertise des bureaux d'études en règle générale intégrés, qui développent déjà les projets sous BIM dans le cadre de construction traditionnelles, et interviennent également en conception-réalisation. Cette vision des majors est rassurante pour la maîtrise d'ouvrage mais aussi propice au développement du marché d'immeubles en bois, car elle répond à son souhait de confier ces constructions à des entreprises générales structurées dont le cœur de métier est la réalisation de chantier tous corps d'état, de surcroît, disposant d'une assise financière en rapport avec le montant des marchés atteignant plusieurs millions d'euros.

Si la plupart de ces grandes entreprises n'ont pas fait le choix de disposer d'un outil de production propre, certaines d'entre elles se replient sur les entreprises de charpentes et construction bois existantes sous-traitantes qui disposent de l'expertise de fabrication et surtout de " levage ". Mais ce schéma n'est guère apprécié par ces entreprises car synonyme de marge étriquée et de conditions contractuelles extrêmement sévères et souvent à leur désavantage.

Après avoir maitrisé l'ingénierie de conception et d'exécution, d'autres majors s'approvisionnent directement auprès d'usines (notamment de CLT taillé et prêt à l'emploi) et utilisent des équipes de montage internes, habituellement affectées à des chantiers béton, qui sont encadrées par des compagnons charpentiers. Dans ce cas, l'entreprise de charpente et de construction bois est totalement exclue du processus …

Les entreprises françaises spécialisées en constructions bois (profil de charpentiers) sont en effet constituées de petites structures (leur CA se situe entre 5 à 15 M€) dotées d'une assise financière fragile et d'une trésorerie peu adaptée pour supporter des marchés de travaux s'élevant souvent à plusieurs millions d'euros, sans compter que, d'un marché de ce type à l'autre, elles peuvent être victimes de " trous d'air " dans leur activité qui peuvent être fatals. Pour tirer leur épingle du jeu, et proposer une offre en qualité " d'entreprises générales bois " elles sont donc condamnées à se regrouper et mutualiser leurs moyens y compris intellectuels pour peser face aux mastodontes du béton mutant vers les constructions bois … Depuis quelques mois le mouvement s'amorce mais reste insuffisant. Leur expertise est pourtant bien ce qui permet aujourd'hui de faire avancer ce marché d'immeubles en bois depuis l'ingénierie, la R&D et l'innovation en passant par la fabrication et le montage. Tout doit donc être fait pour pérenniser les entreprises de charpentes positionnées sur ce marché.

Le bois pour des immeubles de moyenne hauteur : une idée intelligente qui provoque un changement d'image

Il est parfaitement clair que construire des grands immeubles en bois attire des stars de l'architecture et les grandes entreprises et c'est très bien ainsi. De surcroît, qui peut le plus peut le moins. Pour un particulier, le fait de constater qu'il existe des IGH en bois peut être rassurant sur la possibilité́ de réaliser une maison individuelle solide. Le fait de se positionner sur l'IGH est peut-être une provocation mais c'est une idée intelligente et déclenche un changement d'image. Prenons garde seulement de ne pas trop en faire … et risquer la contre-performance !

Nous savons déjà construire des bâtiments en bois de six et huit étages, en rappelant que c'est ici que se situe le cœur du marché en France et en Europe. Gardons en tête d'atteindre les 20 niveaux à horizon 2025 et il sera sans alors possible de viser les 30 niveaux d'ici à 2035 voire 2040 … dans l'unique objectif de performance.

Pascal JACOB

Président de STRATER & d'ELYSEES MOGADOR

@jacobpascal - pjacob@pascaljacob.com

Paris, le 15 mars 2018 modifié le 16 mars 2018

Crédits photos : passez la souris sur chaque photo

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